can’t fake the feeling

Don’t give me your love if you really don’t mean it, if you’re not feeling what I’m feeling when I’m feeling you. You can’t fool me, you can’t fake the feeling without feeling. @cezar oltean

La matinée avait semblée durer une éternité, et pour la première fois depuis longtemps, ses rendez-vous s’étaient apparentés à de la torture tant son esprit n’avait cessé de divaguer ailleurs. Trois jours. Trois jours que Cezar et elle ne s’étaient pas adressé la parole, faisaient chambre à part et s’évitaient comme la peste. Ou peut-être que tout cela n’était que de son propre chef ; allez savoir. La rancoeur l’animait encore vivement, et elle n’avait pas réussi à passer le cap d’aller vers lui. Quand bien même elle admettait se comporter comme une gamine, il n’était pas envisageable qu’elle se morfonde en rampant à ses pieds. Hors de question. Si elle avait ses torts, elle n’était en aucun cas la responsable ayant fauté et de par ce fait, la rousse estimait ne pas avoir à s’excuser. Leur dispute quelques jours auparavant n’étant pas un sujet sur lequel elle comptait faire amende honorable non plus. Qui pouvait rester de marbre en apprenant la tromperie de son partenaire, après tout? Et qui, dans ce bas monde, s'excusait à la place du fautif?

Lors de sa pause déjeuner, Seena redistribua ses rendez-vous de l’après-midi en prétextant une urgence de dernière minute et, sur un coup de tête, s’envola au nord de Greenwich, particulièrement au club de tennis où elle était sûre de trouver son conjoint. Pourquoi aujourd’hui et maintenant, elle n’en savait rien, mais elle ne supportait plus de se laisser engloutir par la situation. Une fois sur place, l’agacement refit bien vite surface lorsqu’on lui expliqua qu’il fallait obligatoirement être membre si l’on souhaitait bénéficier des services du club. Voilà qu’elle se trouvait dorénavant sur cette fichue liste -sans avoir le projet d’être vraiment adepte au tennis. Pour diverses raisons, elle se dirigea directement vers le petit restaurant du club, le regard scrutant les alentours dans l’espoir de le trouver. Manquerait plus qu’elle ait fait tout ça pour rien, en plus. Heureusement pour elle, Cezar apparut dans son champ de vision une quinzaine de minutes plus tard, alors qu’elle sirotait sa citronnade fraîche en regrettant presque son impulsivité l’ayant amenée ici. Il ne tarda pas à prendre conscience de sa présence et (heureusement pour elle) la rejoignit alors qu’elle lui adressait un léger signe de main. “Hey…” souffla la rousse légèrement, se redressant sur sa chaise. “J’espère que ça ne te gêne pas que je débarque ici à l’improviste, j’ai fait ça sur un coup de tête,” justifia-t-elle sur sa présence, en espérant simplement qu’il ne la repousse pas dans les secondes suivantes alors qu’elle faisait l’effort de fournir le premier pas vers lui.

can’t fake the feeling

Don’t give me your love if you really don’t mean it, if you’re not feeling what I’m feeling when I’m feeling you. You can’t fool me, you can’t fake the feeling without feeling. @seena oltean

Trois jours s’étaient écoulés depuis la dispute qui avaient mené les époux Oltean à faire chambre à part, trois nuits de lits froids et solitaires… Le banquier aurait aimé pouvoir dire que le temps lui parût long et que l’absence de son épouse fût remarquée, difficile à vivre, mais la glaçante vérité n’était pas si prévisible ; en fait, il avait trouvé ces trois jours tristement ressemblant aux précédents, ces nuits toutes aussi polaires que la plupart des autres. Il y avait des années que leur relation n’était plus qu’une version tiède de ce qu’ils avaient été, des mois qu’il avait appris à vivre avec le manque de sa femme.

Il avait décidé de lui laisser de l’espace, moins parce qu’il se sentait coupable que parce qu’il estimait qu’elle avait besoin de prendre du recul tant qu’elle ne voyait pas qu’il n’était pas l’unique fautif. Oui, il avait fauté, il l’avait trompé et il le lui avait caché, mais, la façon dont elle s’en était pris à lui avait réveillé en lui quelques ressentiments amers, une colère et une tristesse qu’il avait ignoré jusqu’à présent en s’efforçant de maintenir les apparences. Alors Cezar avait continué sa vie comme si rien ne s’était passé. Il se levait le matin, préparait les enfants, les déposait à l’école puis se rendait au bureau. Le jeudi était habituellement réservé à des rendez-vous à l’extérieur, la matinée se terminait sur une session de tennis puis un déjeuner au club.

Ce jeudi-là, Cezar Oltean fût un adversaire particulièrement agressif sur le court, il se déchaîna à coup de revers désarmants contre sa victime du jour, Robert, qui finit par poser sa raquette et déclarer forfait pour rejoindre les douches en grommelant qu’il n’était pas là pour la compétition mais juste parce que son médecin l’obligeait à faire du sport. Oltean tapa encore quelques balles avant de se décider à rejoindre les vestiaires à son tour, il hésita à maintenir son état d’excitation à l’aide d’une trace de poudre mais laissa finalement tomber l’idée en se rappelant qu’il terminait sa journée sur un rendez-vous téléphonique important pour lequel il souhaitait conserver l’intégralité de ses capacités. Il n’avait plus vingt ans et ne supportait plus si bien les descentes.
Lorsqu’il sortit des vestiaires, il avait troqué son polo et son short pour son habituel costume qui ne jurait pas avec le décor puisque le montant de l’adhésion annuelle au club garantissait le prestige des clients installés. Il ignorait cependant que Seena en faisait partie. Après un instant à l’observer de lui, il finit par se décider à la rejoindre – il n’était pas question de faire table à part puisque ça aurait éveillé des soupçons et qu’il n’était pas question de laisser l’opportunité à qui que ce soit de parler pour eux et sur eux. « ça va, » répondit-il en faisant un signe de la main pour lui témoigner qu’elle pouvait bien débarquer à l’improviste, ce n’était pas un problème. Il prit place en face d’elle et laissa le serveur s’approcher de la table. Un perrier avec une rondelle de citron et la salade du jour, comme d’habitude. Cezar se montra courtois avec l’employé en attendant qu’il s’éloigne après avoir pris leur commande, puis, posa son regard bleuté sur Seena. Il la fixa longuement, desserra quelque peu sa cravate pour être un peu plus à l’aise en semblant chercher ses mots. Qu’attendait-elle de lui exactement ? Et qu’était-il prêt à faire pour elle ? « J’suis désolé, » articula-t-il d’abord, sincère. « J’ai dit des choses l’autre soir… » soupir. Cezar passa une main dans sa barbe et vint gratter le dessous de sa mâchoire, ses lèvres se tordant en une moue contrariée face à la complexité de ce qu’il voulait exprimer. « Je t’écoute… » finit-il, parce qu’il la connaissait et qu’il lui semblait que si elle était venue jusque-là, pour le trouver, ce n’était pas tellement pour l’entendre lui, si ce n’est pour pouvoir mieux s’exprimer elle, maintenant que la pression était redescendue.